De la médecine à la religion au XIIIe siècle. Les miracles de Guillaume et Philippe, saints de Bourges.

 

Alessandra Foscati, chargée de recherches à l’Université de Bologne (Dipartimento dei Beni Culturali) et à la Società Internazionale di Studio del Medioevo Latino (Florence)

 Introduction

Au XIVe siècle, dans sa Chirurgia, Henri de Mondeville, sans cacher son sarcasme, se plaint des malades qui se rendaient à Noyon devant les dépouilles de saint Éloy, un des saints dont la thaumaturgie était très connue en France à partir du XIIIe siècle. Elle était si célèbre que des symptômes spécifiques qui se manifestaient sur la peau, à partir d’un certain moment, furent indiqués avec le nom du saint (morbus ou malum Sancti Eligii)[1] :

Secundum vulgus et cyrurgicos rurales in omni ulcere, vulnere, apostemate et fistula, quorum cura prolongatur, est morbus Sancti Eligii, et si opponatur, quod istorum morborum alius curatur eundo vel peregrinando ad Sanctum Eligium, alius non, dicunt, quod si non curatur, hoc est ex solo defectu patientis, qui non peregrinatus est in bona devotione, aut quod non erat morbus Sancti quamvis videretur […] totum vulgus ponit et credit, quod ante sanctificationem Sancti Eligii non erat morbus iste, quod falsus est, sicut patet per auctores medicinae, qui determinant de isto morbo sub nomine fistulae, qui etiam scripserunt, antequam Sanctus Eligius nasceretur; et si esset verum, quod vulgus dicit, melius esset nobis, quod Sanctus iste non esset, quam quod ex ejus sanctificatione novus morbus insurgeret.[2]

L’éponymie de Saint Éloy – certainement pas l’unique saint à devenir éponyme d’une maladie, en particulier en territoire français[3] –, et la déclaration caustique de Mondeville, montrent combien une étude de la maladie et de la médecine du Moyen-Âge doit tenir compte du culte thaumaturge des saints, d’autant plus que le saint était souvent le premier choisi parmi les guérisseurs auquel le patient s’adressait.

Simultanément, la déclaration de Henri de Mondeville laisse entrevoir en filigrane le problème du rapport entre la médecine sacrée et la médecine profane, qui se relie plus généralement à celui de l’attitude de l’Église envers cette dernière. Il s’agit naturellement d’un rapport de grande complexité, soumis à des changements selon les individus impliqués et à des transformations en sens diachronique, dont il n’est pas possible d’indiquer une connotation univoque, mais qui doit être toujours redéfini et contextualisé[4].

C’est ainsi que cette étude désire mettre en évidence quelques aspects du rapport entre médecine, maladie, religion et pratiques de guérison en étudiant les récits des miracles du XIIIe siècle attribués à deux saints qui furent l’un et l’autre archevêques de Bourges : Guillaume (†1209) et son neveu Philippe (†1261). Si tous deux bénéficièrent d’un procès de canonisation, uniquement le premier arriva aux honneurs des autels et fut canonisé par Honorius III en 1218. Toutefois, nous avons seulement le texte complet de la transcription du procès de Philippe, dont la phase de l’inquisitio in partibus – l’acquisition d’informations de la part de l’Église sur les miracles accomplis par l’intercession du candidat à canoniser – se déroula de 1265 à 1266[5], même si le document qui la contient dans sa forme la plus complète, le ms. Cité du Vatican, BAV, Vat. lat. 4019, est encore inédit. Pour le procès de Guillaume, il ne reste que des fragments, alors que la partie la plus ancienne du dossier du saint comprend la Vita, un recueil de miracles (appelé à partir d’ici Liber miraculorum) qui se seraient produits, peu après la mort du saint, dans la cathédrale de Bourges – le lieu de conservation de ses dépouilles – et un court fragment des actes du procès de canonisation. L’ensemble des sources est édité dans les Analecta Bollandiana[6].

Le cœur de cette étude est surtout l’analyse de quelques récits de miracles de guérison lisibles dans le Liber miraculorum de Guillaume et dans le procès de canonisation de Philippe.

Il faut dire qu’il s’agit de deux types de sources différentes, bien qu’appartenant toutes deux au genre hagiographique. Dans le premier cas le texte est probablement dû à un unique rédacteur, un biographe, qui a pour but d’exalter les qualités de sainteté du protagoniste, de promouvoir son culte et aussi d’être édifiant pour les fidèles. Il devient alors difficile de faire la distinction entre le texte où la description du miracle représenterait le témoignage de l’auteur pour des faits transmis comme des événements réels, et les narrations de pure invention insérées arbitrairement.

Au contraire, le dossier du procès de canonisation de Philippe, comme en général toutes les sources de ce genre, se présente comme la transcription directe des témoignages de ceux qui avaient bénéficié d’un miracle ou qui avaient assisté à l’événement[7]. Dans ce cas il s’agit de textes qui laissent moins d’espace à l’invention littéraire, même s’il faut tenir compte du fait que les témoins des procès étaient de toute façon fortement dirigés dans leurs réponses. En effet le contrôle de la part des postulateurs (hommes d’église dont l’intérêt était de promouvoir la sainteté du personnage examiné) amenait à une certaine standardisation des récits des témoins, surtout en raison de la présence et de la structuration de plus en plus concrète de la forma interrogatorii, le questionnaire de l’investigation, lequel « à partir de Grégoire IX (1127-1243) sera joint de façon systématique aux lettres rémissoriales par lesquelles le pape ordonnait l’ouverture d’une enquête »[8]. En outre, les paroles des témoins étaient traduites du vulgaire en latin par celui qui transcrivait les textes : ce changement de registre linguistique pouvait donc à son tour être source de variations dans les témoignages. Les traductions furent effectuées jusqu’aux temps modernes, puis les réponses furent transcrites directement dans leur langue originale. Ainsi, les procès abondent en topoi caractéristiques des textes hagiographiques, bien qu’ils soient des sources moins sujettes à l’esprit inventif d’un auteur par rapport aux Libri miraculorum.

Toutefois il n’y a aucun doute que les Libri miraculorum et les procès de canonisation, s’ils sont interprétés adéquatement et avec grande précaution, peuvent être des sources incomparables pour l’étude de l’histoire sociale, religieuse, mais surtout pour la façon de décrire et de percevoir la maladie. De plus, nous pouvons y voir les comportements des personnes à l’égard de la maladie, les modalités et les rituels de guérison, caractéristiques dans de nombreux cas d’un territoire bien défini.

La Vita et le Liber miraculorum de Guillaume de Bourges : les sources manuscrites

L’édition présentée par Analecta Bollandiana de la Vita et des miracles de Guillaume se base sur la transcription du texte du manuscrit Bruxelles, MB 293 du XIIIe siècle[9] (appelé B), d’origine inconnue, conservé au siège des Bollandistes[10], à son tour amendée par le rédacteur dans deux manuscrits plus tardifs des XVIe et XVIIe siècles (indiqués par le curateur respectivement comme Bruxelles, Bibliotheca Regia, 11986 et Bruxelles, ex codice Reginae Sveciae, 721, conservé chez les Bollandistes)[11].

On peut lire la Vita et le Liber miraculorum dans d’autres manuscrits, qui remontent aussi au XIIIe siècle et proviennent tous d’abbayes cisterciennes, mais dont le rédacteur n’a pas tenu compte. Il s’agit de : Paris, BnF, lat. 17640 (vers 1225)[12], provenant de l’abbaye cistercienne Notre-Dame de Chaalis (appelé P) ; Paris, BnF, lat. 18308 (troisième quart du XIIIe s.)[13], provenant de l’abbaye cistercienne Notre-Dame de Maubuisson (appelé P1) ; ms. Troyes, B.M., 401 (troisième quart du XIIIe s.)[14], provenant de l’abbaye cistercienne de Clairvaux (appelé T).

Dans Bibliotheca Hagiographica Latina Manuscripta, à la Vita et aux miracles post mortem (BHL 8901) de Guillaume de Bourges on a associé quatre manuscrits : P, P1, B et un témoin provenant de la Bibliothèque Vaticane: Cité du Vatican, BAV, Reg. lat. 0585, qui est indiqué comme remontant à la moitié du XIIIe siècle[15]. Ce dernier manuscrit, comme l’indique Anne Bondéelle-Souchier, devrait être daté du XVe siècle[16]. Le manuscrit conservé à Troyes n’est pas considéré par Bibliotheca Hagiographica Latina Manuscripta.

La présence de différents témoins contemporains à B, et une brève évaluation philologique, amènent Anne Bondéelle-Souchier à déclarer que l’on devrait effectuer une nouvelle édition critique du dossier du saint. Dans son examen attentif des témoins elle ne considère pas P1, qui reporte une version de la Vita différente de celle des trois autres manuscrits cités, car abrégée et structurée en leçons. Les trois manuscrits présentent un récit semblable, même si T s’ouvre avec une brève présentation du saint avant le prologue. Le recueil des miracula post mortem dans P1 se différencie par la présence d’un titre (« Incipiunt miracula/ Sancti Willermi Bituricen/sis archiepiscopi »)[17], par l’absence d’un miracle (indiqué par le numéro 62 dans l’édition de Analecta Bollandiana)[18] et par le manque des fragments du procès de canonisation. De plus, ce manuscrit est le seul à ne pas présenter une écriture sur deux colonnes. Les deux manuscrits parisiens et celui de Bruxelles donnent comme nom au saint Willelmus/Willermus, tandis que dans T le nom du saint est indiqué par Guillelmus.

Comme l’a déjà signalé Anne Bondéelle-Souchier, on déplore dans P la perte d’un folio entre les ff. 24 et 25 (l’actuelle numération ne signale aucune solution de continuité)[19] : il en résulte donc que le manuscrit est tronqué au récit du miracle indiqué dans Analecta Bollandiana par le numéro 60 et qu’il manque complètement le numéro 61 et une grande partie du numéro 62.

Anne Bondéelle-Souchier considère P comme la meilleure leçon[20]. Sans vouloir aborder le sujet des questions philologiques ou codicologiques, qui ne sont pas de notre compétence, nous signalons que dans le manuscrit de Bruxelles, pour le recueil des miracula, il y a des erreurs significatives, qui font penser à une incompréhension de la part du copiste (alors que ces erreurs n’apparaissent pas dans les autres manuscrits). Par exemple l’expression « ad edificationem exigit auditorum » devient « ad essicationem exigit auditorum »[21], tandis que la masse dans la gorge du malade affecté de la squinancia (dont on parlera), de « tumore faucium » devient « timorem faucium »[22], etc.

Sans aucun doute la provenance des manuscrits indique une grande diffusion du récit de la Vita et des miracles dans le milieu cistercien. Ceci n’est pas étonnant vu que Guillaume fut moine de l’abbaye cistercienne de Pontigny, puis abbé de Fontaine-Jean (environ en 1184) et de Chaalis (1187), deux abbayes filles de Pontigny, avant de devenir évêque de Bourges (1200)[23].

Malgré cela, après la lecture du texte de la Vita qui contient surtout le récit de la vie du saint après son élection au siège de Bourges, Anne Bondéelle-Souchier arrive à la conclusion que très probablement le texte trouve son origine dans cette ville et qu’il ne provient pas d’un monastère cistercien[24]. Nous signalons qu’au moins une référence directe à ce milieu monastique apparaît aussi dans les miracles, dans le cas du récit du vir gravement infirme, qui après sa guérison, décide d’entrer dans les ordres[25].

Il serait vraiment intéressant de savoir si l’auteur du texte se rattachait d’une certaine façon au contexte cistercien (éventualité que l’on ne doit pas exclure vu la provenance des manuscrits). L’hypothèse d’un tel lien provient de l’analyse de quelques particularités linguistiques, qui semblent relier le Liber de Guillaume à un texte rédigé dans l’abbaye de Pontigny (comme on a dit la vie monastique du saint tourne autour de cette abbaye), où sont transcrits les miracles d’Edmundus Cantuariensis (†1240). Nous rappelons que les miracles de ce saint sont lisibles dans deux œuvres contenues toutes deux dans le ms. Auxerre, Bibliothèque Municipale, 123, du XIIIe siècle. Tandis que la première fut rédigée vers 1247 par Albert, archevêque d’Armagh, la deuxième est le fait d’un auteur (ou d’auteurs) inconnu et est probablement postérieure[26]. Ce sont en fait quelques récits de miracles de cette deuxième œuvre qui méritent une comparaison avec ceux du Liber de Guillaume.

 

Liber Edmundi

– Consuluit medicos ars medicinalis ei non poterat subvenire sicut medicorum non nunquam vacillans et incerta astruebatur opinio (Auxerre, B.M. 123, f. 120rb)[27].

– Cuius tumor ex corrupti humoris coagulatione compactus totum guture per plures abdomadas occupaverat. Ita quod per quinque dies nec cibum sumere nec quicumquam masticare poterat nec etiam aliquid liquidum deglutire quin per os immissum statim per nares reitere cogebatur sicut post modum ab eodem referente didicimus… (ibid., f. 140ra)[28].

– … tamque insuperabilis erat ipsius egritudo quod sicut medici asserebant nullius poterat medicine evinci … et medicamini frequens diversitas videbatur et pocius obesse quam prodesse. Quam nichil eoque impedit sanitatem quam remediorum frequens mutatio (ibid., f. 116va)[29].

Liber Willelmi

– squinantico morbo laborabat, sicut medicorum nonnunquam vacillans et incerta adstruebat opinio (P, f. 27rb).

– de accense colere adustione procedens et ex eiusdem corrupti humoris coagulatione compactum totum etiam guttur penitus occuparat ita ut dum non in recta locutione… Cibum quoque nec sumere nec masticare poterat, nec etiam aliquid liquidum deglutire : quin immo in os immissum statim per nares reicere cogebatur (ibid., f. 27rb)[30].

– Tanta namque tamque insuperabilis erat violentia huius morbi quod nullius medicine poterat evinci iuvamine. Insuper et medicaminum frequens diversitas videbatur obeesse potius quam prodesse quia nichil eque impedit sanitatem quam remediorum crebra mutatio (ibid., f. 26ra)[31].

Ainsi dans les deux textes on retrouve des phrases identiques, même si la typologie du miracle auquel elles se réfèrent est parfois différente.

Quant au dernier exemple, le plus intéressant, il faut donner quelques mots d’explication.

La phrase « nihil aeque impedit sanitatem quam medicorum crebra mutatio » est littéralement empruntée à l’œuvre de Sénèque, Lettres à Lucilius (ép. 2, 3), tandis que la précédente « obesse potius quam prodesse » se retrouve dans le commentaire à l’Éneide de la fin du IVe siècle de Tiberius Claudius Donatus et sera amplement utilisée dans les siècles suivants[32]. S’il n’est pas habituel de trouver la phrase de Sénèque, déclinée en relation avec un contexte médical, encore plus rare est le fait de rencontrer les deux propositions rapprochées.

Le Liber des miracles de Edmond dépend en partie du texte rédigé par l’archevêque Albert d’Armagh et ses récits, bien que détaillés, ne présentent pas la même précision dans la description des éléments de la maladie que ceux du Liber de Guillaume. De toute façon les exemples indiqués, en particulier le dernier, montrent un lien entre les deux Libri. Il est difficile de dire si un des deux auteurs a influencé l’autre ou si tous les deux ont pu recourir à une troisième œuvre identique. Probablement un examen plus approfondi pourrait donner d’autres résultats intéressants, mais nous pouvons dire qu’un tel lien souligne ultérieurement que le Liber de Guillaume dépend d’un contexte cistercien et qu’il met l’accent sur une culture médicale (ou du moins un intérêt pour cette culture) dans le milieu de l’ordre.

Les maladies des miracles de guérison du Liber miraculorum : quelques exemples

L’auteur du Liber témoigne une attention particulière pour la médecine et laisse entrevoir des connaissances spécifiques sur le sujet. Cela ne signifie pas nécessairement qu’il la pratiquait, mais il est plausible qu’il ait eu une certaine familiarité avec les traités médicaux de son temps.

Tous les miracles racontés sont très longs et riches en détails icastiques sur les conditions du malade et sur sa souffrance. On remarque une application singulière de la part de l’auteur à reconnaître la maladie et à la désigner avec exactitude : dans certains cas, on a quelques allusions au diagnostic lié à la théorie humorale. Il s’agit d’un ensemble de détails très bien associés et soulignés, que l’on trouve difficilement dans un texte hagiographique. Il ne manque pas non plus, tantôt en filigrane, tantôt plus explicitement, de motifs caractéristiques de l’époque : par exemple le thème de la maladie provoquée par le péché, celui de la marginalisation du malade et surtout celui de la supériorité absolue de la médecine du saint par rapport à la médecine profane.

On aperçoit différentes modalités d’approche au saint de la part du malade, dont certaines sous forme de rituel, comme dans le cas de la mensura, c’est-à-dire l’offre d’un don, un ex-voto, qui reproduit à peu près les mesures du malade[33]. Il s’agit de rituels qui devaient être compris comme de vraies formes de thérapie et qui pouvaient se présenter de manière spécifique en relation avec des réalités territoriales bien définies, indépendamment du saint considéré (nous en verrons un exemple avec le miracle de guérison de la squinancia). La forme du rituel pouvait parfois devenir une condition nécessaire pour que le miracle de guérison ait lieu.

La richesse descriptive des récits des miracles de guérison du Liber de Guillaume permet de considérer le texte comme un paradigme pour comprendre l’importance des sources hagiographiques dans le but d’étudier la façon de percevoir la maladie, la valeur symbolique qui lui correspond et le rapport entre médecine sacrée et médecine profane pendant cette période. Pour cette raison j’ai extrapolé du texte du Liber trois exemples parmi ceux qui me semblaient les plus significatifs : toutes les citations de l’article se réfèrent directement au texte du manuscrit P.

La maladie nommée ydropisis

Un long récit est consacré au miracle du malade d’hydropisie (« Erat quidam diutino et into/lerabili languore obsessus/ infirmitatem habens quam medici y/dropisim vocant »)[34].

L’auteur précise immédiatement que l’hydropisie du pauvre homme n’est pas soignable par la médecine profane (« ipsi [les médecins] […] / omnino curare non potest nec eidem/ ulla medicorum arte subveniri »)[35], d’autant plus que la maladie était due à la volonté de Dieu (« Voluntas Dei/ erat sicut ex evidentibus signis et/ certis indiciis comperimus ipsum sine/ spe humani subsidii insanabili/ dolore passionis affligi ut opera/ Dei manifestentur in illo »)[36].

Si en général la maladie, au Moyen-Âge, est toujours considérée comme le résultat de l’intervention divine[37], l’hydropisie en particulier, pour sa gravité, son évolution funeste et parce qu’elle se manifeste avec des signes cliniques répugnants aux parties du corps les moins nobles (le ventre), a souvent été chargée d’un surplus symbolique. La raison réside dans le fait que, dès la période tardo-antique, commence une tradition textuelle qui veut que cette maladie frappât comme punition divine les plus grands pécheurs, en commençant par ceux des Saintes Écritures.

Ainsi elle devient une sorte de topos littéraire qui commence par la description de la mort d’Hérode le Grand rédigée par Flavius Josèphe dans les Antiquités judaïques et dans La Guerre des Juifs, reprise ensuite dans l’Historia ecclesiastica d’Eusèbe de Césarée et dans la version latine du texte de Rufinus. Dans la tradition apocryphe qui aboutit au cycle de Pilate, Hérode Antipas, le tétrarque à l’époque de la passion du Christ, tombe également malade d’hydropisie[38].

Aussi, ce n’est pas un hasard si Richer de Reims, au Xe siècle, dans ses Historiarum libri quatuor, cite la maladie comme une punition adéquate envoyée par Dieu à Winemare, celui qui, sur commission, avait assassiné dans une embuscade l’archevêque Foulques le Vénérable de Reims. Il est intéressant de voir que Winemare tombe malade après l’anathème lancé contre lui par un concile d’évêques (les excommunications contenaient un ensemble de malédictions à lancer contre le coupable). Richer, qui devait être imbu de notions médicales, invente le type de maladie contractée par certains personnages importants. Il le fait en exploitant ses connaissances médicales, même si la description de l’hydropisie s’inspire de celle d’Hérode, traduite par Rufinus[39].

Par ailleurs, on trouve aussi dans la Divine Comédie de Dante l’hydropisie comme maladie appropriée pour punir les faussaires (Enfer, XXXe chant).

Il est inconcevable qu’un homme d’Église comme l’auteur du Liber, certainement pétri de culture religieuse, n’ait pas eu à l’esprit, lorsqu’il citait l’hydropisie, les topoi concernant cette maladie. Nous pouvons notamment dire que le récit est un paradigme pour son habilité à décrire la maladie en général, dans l’optique d’une dramatisation (on le voit dans la description de l’infirmité), au point que se révèle dans ce cas une délectation à décrire les symptômes les plus répugnants :

Aspectus ejus horribilis/ omnem abhominationem/ inferens his qui intuebantur eum./ Tantus namque tumor, procedens ex/ humorum corruptione per singulos/ artus diffusa totum corpus apprehe/nderat quod nec erat ei species ho/minis neque decor sed humana effi/gie quasi iam deleta in ipso tanquam/ truncus pelle et carnibus apparebat/ indutus. Hanelitus eius supra quam cre/di posse fetidus et corruptus appro/pinquantibus sibi nauseam provocabat…[40]

L’auteur trahit son intérêt pour la médecine par ses références aux données techniques inhérentes au mal, c’est-à-dire la corruption des humeurs. Il s’agit d’une précision qui, selon l’auteur, n’entre pas en contraste avec l’idée de la maladie comme effet de la volonté divine.

Dans le récit, le malade se traîne avec difficulté au tombeau du saint et sa présence dans l’église pose problème aux autres malades réunis en ce lieu, car ceux-ci ne peuvent supporter la puanteur qui émane de son corps (« into/lerabilem eius fetorem pati non poterant »)[41]. L’éloignement même des lieux de culte et donc la marginalisation des malades affectés d’un aspect trop repoussant, ou extrêmement désagréable à l’odorat, apparaissent sporadiquement dans les sources hagiographiques[42]. C’est le signe d’une forme d’intolérance qui n’est pas étrangère aux hommes d’église eux-mêmes, malgré les préceptes évangéliques concernant l’accueil des malades.

L’hydropique du récit crée un problème supplémentaire : son ventre avait tellement grossi, explique l’auteur, que l’on craignait qu’il n’ait une rupture des viscères au point de rendre l’église impraticable aux autres fidèles et de créer un scandale dans un lieu si sacré. Ici on décrit l’aspect le plus répugnant de la maladie et dans ce cas aussi le substrat symbolique ne peut que nous conduire au grand pécheur Arius l’hérésiarque, dont la mort, selon une tradition occidentale bien consolidée, était survenue suite à une punition divine, qui avait causé la perte des viscères[43].

L’hydropique du récit du miracle de Guillaume, après s’être voué au saint et avoir offert un cierge allumé de la même longueur que lui (nous avons ici le rituel de la mensura), est emporté hors de l’église et amené dans la « domum pauperum Christi », dont le nom indique un lieu où étaient accueillis les pèlerins et les malades à l’intérieur des sanctuaires[44].

Ici le malade guérit grâce à l’intervention miraculeuse du saint, dont la façon d’agir renvoie au thème antique de l’incubatio, c’est-à-dire l’action thaumaturge durant le sommeil du malade[45]. Dans ce cas précis le malade s’assoupit et immédiatement après, il a la vision d’un homme « venerabilis et aspectu decorus can/didatis refulgens vestibus pontifi/calia gerens insignia »[46]. Les insignes épiscopaux font reconnaître Guillaume et la guérison de l’hydropique survient grâce au contact avec le saint qui touche le malade des pieds à la tête, en passant les mains sur tous les membres et en faisant couler vers l’extérieur tout le liquide putréfié :

Hic apprehen/dit manus eius et pedes singulos ma/nuum digitos et articulos pedum ma/nibus suis palpans leniter et attrectans./ Et a planta pedis usque ad verti/cem per omnia membra discurrens/ totam saniem studiose purgan/do proiecit.[47]

Habituelle, la guérison de l’hydropisie par élimination du liquide (quelquefois sous forme de sueur), se retrouve dans d’autres miracles du même genre. Plus original est le comportement du saint, qui guide le liquide hors du corps du malade. Dans les sources, nous retrouvons différents exemples de saints qui, grâce à leur toucher, réussissent à déplacer les humeurs, ou même la maladie hors du corps du malade[48]. Les reliques aussi pouvaient avoir la même fonction : remarquable est le récit de Guibert de Nogent, où un malade fut guéri d’une grave maladie au moyen du bras du bienheureux Arnolphe de Tours. Le mal, presque comme une entité vivante, se déplaça d’un lieu à l’autre du corps, fuyant les reliques pour sortir ensuite de la peau « in modum muris »[49].

Simultanément, il est courant que les hagiographes du Moyen-Âge, en racontant les miracles de guérison concernant n’importe quel type de maladie, introduisent le détail d’une sortie de matière organique du corps du patient, comme la sueur, le sang ou la matière purulente. De plus, la perte de matière du corps, les vestigia conséquents dans le sanctuaire, ainsi que le fracas des os dans le cas d’infirmes (contracti), devaient apparaître comme des preuves que le miracle avait vraiment eu lieu[50]. C’est comme si la guérison miraculeuse, pour être prouvée, devait se manifester d’une manière éclatante aux sens des présents. En effet, l’auteur du Liber écrit, de façon icastique et en dramatisant l’événement :

Cuius expulsionem/ locus ipse in quo erat quiescens/ apparentibus sordium proiectarum vesti/giis in crastinum indicavit. Tan/ta namque sanies sub illius noctis si/lentio ex ipsius membris repente pro/siliit quod tanquam de quodam mag/no vase confracto torrens aque/ videretur effusus.[51]

Concernant le mode de description du miracle, nous signalons, à titre de curiosité, le changement radical qui s’effectua au XVIIe siècle après l’œuvre de Paolo Zacchia. Celui-ci, dans ses Questiones Medico-legales[52] octroie une large place à la reconnaissance du miracle. Non seulement il applique les catégories thomistes du supra, contra et praeter naturam, mais surtout il élabore le concept de crisis pour distinguer le processus de guérison miraculeuse de celui qui survient selon les lois de la nature. Il fallait identifier la crisis d’après l’effort fourni par le corps pour guérir, à l’intérieur d’un régime tout à fait naturel et qui se manifestait par un écoulement de liquides organiques de différents types[53]. Après l’œuvre de Zacchia, pour confirmer une guérison de genre miraculeux, il était fondamental d’établir qu’il n’y avait eu aucune crisis, c’est-à-dire aucune expulsion de matière corporelle, et que la guérison avait été instantanée et complète. Cela influença considérablement l’œuvre de reconnaissance du miracle, en particulier dans le cadre des procès de canonisation, surtout au vu de l’énorme importance attribuée à l’époque des Temps Modernes au témoignage du médecin et donc à l’aspect médico-légal.

 La maladie nommée Noli me tangere

On néglige parfois le fait que les textes hagiographiques représentent des répertoires lexicographiques intéressants pour les noms des maladies. Le lexique médical employé peut être commun à celui des textes médicaux, même s’il n’a pas toujours une signification identique. Dans le même temps, les textes hagiographiques témoignent de la diffusion ou non de certains lemmes et des aires géographiques où on les utilise, surtout en cas d’expressions qui n’appartiennent pas à la lexicographie médicale classique, mais qui dérivent d’un contexte « populaire ». Il vaut donc la peine d’aborder le récit de la guérison du malade de noli me tangere.

L’auteur du texte écrit qu’une horribilis infirmitas, incurable, frappe un prêtre dont immédiatement on souligne toutefois l’honnêteté, signalant ainsi indirectement le lien entre la maladie et le péché. Il s’agit d’un mal qui ne supporte aucun contact et qui pour cette raison prend le nom de Noli me tangere (« Quin/ etiam tactus homines omnino/ refugit nec se tangi patitur unde/ et ex re vendicans sibi nomen et ap/proprians noli me tangere nuncupa/tur »)[54].

Il s’agit d’une expression très originale. Sans aucun doute, elle naît d’un contexte « populaire », c’est-à-dire qu’elle dérive d’un niveau bas, probablement d’une tradition orale, pour apparaître ensuite également dans les textes médicaux. Elle dérive de l’Évangile (Jean, 20) et indique la rencontre entre le Christ ressuscité et Madeleine[55]. Du point de vue médical, elle désigne une lésion gangreneuse du visage et se distingue de celle qui frappe les jambes, qui prend au contraire le nom de lupus. Quant au caractère « populaire » de l’expression, c’est le chirurgien Bruno da Longobucco qui nous le confirme. Il s’oppose à l’usage de ce terme (comme à celui de lupus) parce qu’il n’appartient pas à la nosographie transmise par les autorités médicales les plus anciennes.

Cancer autem distinguitur a magistris secundum diversitatem specierum:… alius dicitur, noli me tangere : et alius, lupus: alius, cancer nomine utriusque. Et assignant differentias inter istas species secundum locum qui dicunt noli me tangere, a mento superius fieri: lupus, in inferioribus partibus. Assignant etiam different iam secundum qualitatem complexionis: sicut cum dicunt lupus et cancer fiunt ex cholera rubea magis ignea, quam noli me tangere fiat… Ego autem Brunus Longoburgensis de huiusmodi distinctione non presumo aliquid veritatis: quia non vidi vestigium eius in libro veterum omnino.[56]

L’expression « moderne » est de toute façon acceptée par les médecins et chirurgiens à partir du XIIIe siècle[57]. Nous considérons que dès cette période entrent aussi dans les textes médicaux les maladies qui portent le nom des saints et qui naissent certainement d’un contexte populaire suite à la diffusion de cultes thaumaturges particuliers.

À l’exclusion des textes médicaux où apparaît très souvent une transposition de thèmes et de motifs d’un auteur à l’autre, après avoir analysé de nombreuses sources hagiographiques provenant des actuelles France, Italie et Angleterre, j’ai trouvé l’expression uniquement dans des sources provenant de la France[58].

Le fait qu’il s’agissait d’une expression commune, présente aussi en langue vulgaire, est confirmé par l’œuvre satirique du XIIIe siècle Des XXIII manières de vilains, où l’auteur anonyme, qui espère que les vilains seront frappés d’une série de maladies, écrit : « Si aient le mal Saint-Fiacle/ Et Saint-Éloi et Saint-Romacle/ Et le mal c’on dist ne-me-touche »[59].

Il est facile de croire qu’il s’agit d’une expression née en français vulgaire, puis latinisée. Dans quelques cas, Noli me tangere (nous pouvons aussi penser à une évolution dans le temps) devait indiquer également toutes les maladies ulcéreuses et gangreneuses qui se répandaient rapidement et qui étaient difficiles à traiter, indépendamment de la partie du corps malade. Nous rappelons que dans les miracles du processus in partibus du cardinal Pierre de Luxembourg (Avignon, 1389-1390), apparaît un célèbre témoignage de l’illustre médecin de Montpellier Jean de Tournemire, où celui-ci décrit avec de nombreux détails techniques le cancer du sein qui avait frappé sa propre fille et spécifie que « vocatur autem à quibusdam illa infirmitas, noli me tangere : quia dum plus apponitur, deterioratur, nisi fit unguentum praelectum ab excellentissimo medico »[60]. Plus tard Ambroise Paré mettra l’accent sur le fait que noli me tangere indiquait le cancer ulcéré qui, s’il était soigné avec les traitements corrosifs ou vésicants habituels, tendait à s’étendre davantage : « Et partant aucuns ont appelé tels chancres Noli me tangere, c’est-à-dire, ne me touche de nulle chose aspre et forte, à cause qu’on me rend plus malin et furieux »[61].

Le prêtre du récit de Guillaume a tout le visage défiguré et rongé, au point qu’il n’ose pas célébrer la messe et qu’il ne peut plus s’occuper des paroissiens (« sine scandalo divina pan/dere misteria nec oves sibi comissas/ sicut decet pastorem visitare vale/ret »)[62]. Apparaît en filigrane le concept amplement exposé par Grégoire le Grand dans les Regulae Pastoralis liber[63]. L’auteur ici, reprenant les prescriptions du Lévitique XXI, 17-21, où le Seigneur impose à Moïse l’absence de défaut physique des prêtres, explique ces versets allégoriquement comme signe et synonyme de péché.

Le visage défiguré doit donc être caché à plus forte raison, en tant qu’image du péché. Malgré le type de maladie, le patient s’adresse à la médecine profane. On décrit la succession de chirurgiens et de médecins qui échouent misérablement et s’en vont en ayant honte de l’échec (« non sine rubore recesserunt »)[64], après avoir essayé de nombreux médicaments. Il s’agit du topos classique de l’infériorité de la médecine profane par rapport à la médecine céleste : c’est seulement après le vœu au saint que disparaîtra la corrosion du visage pour laisser place à une totale régénération de la chair.

La maladie nommée squinancia

Ce récit présente une modalité intéressante de guérison qu’il faut comprendre comme une forme de rituel, probablement de valeur régionale. On décrit un homme malade de «squinnanticus morbus », qui avait un « apostema » dans la gorge, dérivé vraisemblablement de la « accense colere adustione »[65]. Encore une fois, l’auteur montre de l’intérêt pour l’étiologie sur base humorale de la maladie et semble au courant des théories médicales les plus modernes de l’époque en classant la squinancia parmi les « apostema ». En Occident, cette catégorie s’est caractérisée de manière très compliquée suite aux traductions latines des textes médicaux en langue arabe à partir de la fin du XIe siècle, jusqu’à désigner, comme indiqué dans un article de Michael McVaugh, « any swelling or lump on a portion of the body – a puffy bruise, a haematoma, an aneurysm, a boil, a cist, a tumor »[66].

Avant cette évolution, la squinancia – terme médical latin qui dériverait de la translittération du grec de sunagχη, que l’on trouve dans les textes de médecine grecque à partir d’Hippocrate[67] – peut être succinctement comprise dans la définition, empruntée aux textes médicaux de l’antiquité tardive, issue de l’œuvre encyclopédique d’Isidore de Séville, très répandue pendant le Moyen-âge et non seulement : « Synanchis a continentia spiritus et praefocatione dicta. Graeci enim συναγχειν continere dicunt. Qui enim hoc vitio laborant, dolore faucium praefocantur »[68].

L’auteur du Liber exprime dans ce cas aussi son intérêt pour les détails les plus dramatiques : l’apostema compact a occupé toute la gorge au point que l’homme ne peut parler ni être compris correctement. La langue est collée au palais. Il ne peut manger ni boire, et, détail très réaliste, quand la nourriture est introduite dans la bouche, à cause de l’obstruction, elle est éliminée par le nez. Le malade est en train de suffoquer, il ne peut plus parler et demande l’aide à tous les saints dont il se souvient, en silence, dans son esprit, mais n’obtient aucun résultat : « Multos enim sanctos qui sibi memorie/ occurrebant se devotis precibus sollicitasse/ pro salutis remedio memorabat sed nec/ tunc meruit exaudiri »[69].

Ici également apparaît une autre caractéristique des textes hagiographiques, qui consiste à considérer toujours le saint auquel est dédié le texte comme le plus puissant. En outre, son action se manifeste souvent après que le malade s’est voué aux autres saints, ou qu’il a visité d’autres sanctuaires sans aucun résultat. Parfois on accorde à un autre saint d’adoucir la douleur ou d’exaucer une guérison partielle, mais la définitive revient toujours au protagoniste du récit. En effet, sur le point de mourir, le malade se rappelle finalement de saint Guillaume et pour obtenir la guérison, il fait comprendre par gestes à son entourage qu’il faut accomplir un acte thérapeutique précis : « Cum igitur se/ in archano cordis beatissimo presuli com/mendasset, cereale fieri innuebat. Quo/ facto et ad collum eius circumvoluto in ipsa/ hora emisit per os saniem copiosam cujus/ fetorem interminabilem pati non poterant/ circonstantes »[70]. Suite à cet événement, le patient guérit.

Le cereale (dans P1 on lit cerale), qui doit être associé à une offrande de cire, un don offert au saint pour obtenir la guérison, est certainement un terme peu répandu et manquant dans les répertoires des types d’offrandes en cire et des ex-voto recensés par Anne-Marie Bautier, André Sigal et Catherine Vincent[71]. Dans le Du Cange nous trouvons pour le terme cerale la définition de « praestatio in cera » et un exemple (provenant d’une Charte de 1277) : « Quandocumque (abbas Casae Dei) erit anicii habeat consuetum Cerale, et quatuor consuetas candelas, sicut hactenus consuevit habere »[72].

Ce que le patient tourne autour du cou n’est pas très clair. Toutefois, nous savons que les cierges offerts au saint, souvent d’une grande longueur, et construits en se basant sur la taille du patient, ou d’une partie, étaient formés d’une mèche entourée d’un peu de cire et disposés comme des spirales enroulées sur elles-mêmes. Il n’est pas à exclure que le patient ait mis autour du cou la mèche (lichinus), la partie qui était mesurée pour construire le cierge. Anne-Marie Bautier souligne que d’après les sources qu’elle a examinées, antérieures à l’an 1200, le lychnus (équivalent à lychinus) pouvait être synonyme de chandelle[73]. De plus, le cierge mesuré avait la fonction d’ex-voto et devenait ainsi un don mais aussi une sorte de rétribution (praestatio) pour obtenir la faveur que l’on demandait au saint (objet de dévotion propitiatoire selon la définition de Anne-Marie Bautier)[74].

Nous retrouvons le même objet dans un autre miracle du Liber où on raconte qu’un homme, devenu subitement sourd et muet, est voué au saint par sa femme. L’auteur écrit : « facto illico ceriali et circumdato collo Hugonis, matrona dixit quod vovebat eum ad sanctum Willelmum »[75]. Même si le rituel qui prévoyait l’usage du cereale semble être associé, dans le texte du Liber de Guillaume, à différentes maladies reliées en quelque sorte à la gorge (le mutisme et la squinancia), il convient de faire une comparaison avec les miracles du Liber de miraculis sanctorum Savignacensium rédigé au XIIIe siècle durant la translation des dépouilles de cinq moines, morts en odeur de sainteté, de l’abbaye cistercienne de Savigny, en Normandie[76].

Dans le Liber de Savigny il y a différents miracles qui parlent de la squinancia (ici transcrite quinancia) et on rappelle que chaque fois que le patient, touché par cette maladie, se vouait au saint, il n’oubliait pas de mettre autour du cou le lichinus ; dans le cas où il lui serait impossible d’accomplir cet acte, des membres de la famille pouvaient agir à sa place. Nous lisons par exemple :

Thomassa […] laborabat gravi et periculosa egritudine que a medici vocatur quinancia/ et ita aggravata fuit quidem per VIII dies continuos non manducavit neque/ bibit neque etiam locuta est […] Et cum iam vicina esset morti ami/ci eius voverunt eam sanctis savignacensis […] Et accipientes lichi/num misuraverunt et ligaverunt circa collum eius.[77]

Comme dans le cas de Guillaume, la jeune fille guérit après l’élimination de la tumeur qui s’est liquéfiée[78]. Dans un autre exemple, c’est un moine qui, également malade de la quinancia et se sentant à l’article de la mort, « vovit se sanctis et assumpto lichino cum viva fede cinxit collum/ suum […] Infra tres dies ad plenum sanatus est »[79]. Il faut remarquer que l’acte d’entourer le cou avec le lichinus était considéré par les rédacteurs du Liber des saints de Savigny comme un rite très important, plutôt la condicio sine qua non pour être guéri. En témoigne le récit où l’on parle du malade qui, atteint aussi de la quinancia et accablé par une enflure lui opprimant la gorge et la poitrine, se limite à se vouer aux saints. Le vœu n’est pas suffisant pour obtenir la guérison et c’est sur le point de mourir qu’il se rappelle ne pas avoir effectué le rite. Alors il demande à ceux qui l’entourent de lui donner le lichinus avec lequel il s’entoure immédiatement le cou. C’est seulement grâce à ce geste qu’après quelques minutes il retrouve la santé.

Qui cum ita horribiliter cruciaretur et sentiret/ iam mortem e vicino adesse reminiscens voti sui quod cum fecisset non/ cinxerat collum suum lichino ut sicut solet: annuit celeriter sibi dari lichi/num et propriis manibus cinxit collum suum…[80]

Un rite codifié de cette manière, expressément relié à la maladie de la squinancia, ne semble pas apparaître dans d’autres textes hagiographiques et pourrait concerner une région limitée de la France du Nord, vu que le Liber des saints de Savigny a été écrit environ à la même époque que les miracles de Guillaume, dans un territoire géographiquement proche et dans un contexte cistercien.

Je voudrais faire remarquer que l’acte de s’entourer le cou avec un objet en cire et considéré comme une relique parce qu’offert au saint (le lichinus), pourrait être mis en relation avec le cerale (ou ceriale/ cereale), qui suit un rite très semblable et est prescrit pour guérir du bocio – apostema de la gorge, associé à la squinancia mais distinct de celle-ci dans les classifications des textes médicaux.

Le rite consistait à faire tourner autour du cou du malade le cierge de la Chandeleur – cierge consacré à la Vierge, qui était gardé par les fidèles et considéré comme doué de vertus curatives et apotropaïques – et à réciter un poème ou carmen[81].

Nous lisons ce rituel et cette incantation dans le texte du traité de chirurgie de Roland de Parme :

talem faciat medicus incantationem, vel conjurationem, videlicet Caro, caro, caro, recede, quia filius Dei te maledicit. In nomine Patris et Filiis et Spiritus Sacti [sic]. Recede ab isto famulo Dei. Et fiat circulum ad collum de candela benedicta de festo Sanctae Mariae, cantando Pater noster, tribus vicibus, in honorem sanctae Trinitatis.[82]

Je n’exclurais pas que même la guérison de la squinancia grâce à l’utilisation du lichinus ou du cerale ne comportait pas de formule, d’autant plus qu’il n’était pas simple pour une personne commune, au-delà de la théorie, de distinguer un type d’apostema de la gorge d’un autre. De plus l’utilisation de nombreux objets « thérapeutiques » prévoyait de réciter des carmina, comme nous lisons dans les textes médicaux. Il est évident que le rédacteur du texte hagiographique ne pouvait que s’abstenir d’écrire une incantation, perçue par l’Église dans la plupart des cas comme un genre de superstition.

Philippe Berruyer, archevêque de Bourges

Les études et les recherches sur Philippe, le neveu de Guillaume, sont rares et la plupart des informations se trouvent dans l’œuvre fondamentale d’André Vauchez[83].

Philippe (†1261), fut d’abord chanoine à Saint-Martin et à la cathédrale de Tours ; il devint ensuite archidiacre de Beaugency, puis de Tours. Il fut élu archevêque de la même ville, puis d’Orléans et, pour finir, de Bourges.

Ce fut Urbain IV (1261-1264), avec la bulle Ut corda fidelium, qui ordonna l’ouverture du procès de Philippe, demandé par le roi Louis IX et par les évêques français. L’enquête in partibus se déroula à Bourges, à Beaugency et à Orléans, de novembre 1265 à juillet 1266.

Son dossier fut enterré au moins six fois de 1266 à 1364 et Philippe ne fut finalement jamais canonisé. Son procès occupa la Curie pendant un siècle et intéressa différents pontifes. Le dernier à s’en charger fut Urbain V (1362-1370) en 1364. La raison d’un tel échec vient du faible intérêt de certains pontifes, ou de la mort précoce d’autres, avant la décision en faveur de la reconnaissance officielle de la sainteté. Il s’agit de dynamiques récurrentes pour les procès de canonisation. Nous devons également signaler la détérioration de la mémoire de la sainteté de l’archevêque, jusqu’à une mention du XVIIe siècle parmi les praetermissi des Bollandistes, dans les Acta Sanctorum[84]. Le procès de canonisation de Philippe revêt une grande importance dans l’histoire de cette institution, vu que, d’après Vauchez, il fut le premier dans lequel on utilisa les articuli interrogatorii, formule classique destinée à se maintenir jusqu’à la fin du Moyen-Âge. Cette affirmation fut en grande partie atténuée par Roberto Paciocco sur la base d’évaluations complexes du droit canonique et donc sur la signification à attribuer aux articuli interrogatorii[85].

Abstraction faite de telles questions, il faut souligner que le procès de canonisation reste encore pratiquement inédit, sauf quelques parties transcrites par Roberto Paciocco à partir du manuscrit Cité du Vatican, BAV, lat. 4019 (à partir d’ici cité lat. 4019), qui reporte le procès de la manière la plus complète. Comme l’a expliqué le chercheur, le manuscrit est une copie rédigée vers 1330. Il contient le regestrum et la copie des procès-verbaux des témoins « super vita et conversatione et super miraculis » du procès du XIIIe siècle. Dans la partie finale on a ajouté les dépositions relatives à la réouverture du procès en 1323 par le pape Jean XXII.

À part quelques brèves références dans deux articles de Michel Goodich[86] et la transcription de quelques témoignages du procès faite par Roberto Paciocco[87], toute la partie qui concerne les miracles est inédite et n’a pas encore été étudiée.

Dans cette étude, à considérer comme work in progress, on a choisi de mettre en évidence les caractéristiques générales des récits de miracles de guérison présents dans le dossier et de s’arrêter, à titre d’exemple, sur un miracle particulier dédié à l’accouchement.

Les miracles de guérison du procès de canonisation de Philippe de Bourges : aspects généraux

Parmi la quarantaine de miracles décrits dans le dossier de Philippe, la plupart concernent des guérisons. À part quelques cas, chacun de ceux-ci est documenté par plus d’un témoin – comme il arrive toujours dans les enquêtes des procès de canonisation –, tandis que la transcription des narrations ne laisse entrevoir aucune recherche d’esthétique formelle du rédacteur. En effet, les répétitions de termes abondent et les dialogues sont souvent rapportés en discours direct. Tout ceci ferait penser à une intervention de médiation partiellement limitée par le rédacteur (ou les rédacteurs), qui de toute façon devait traduire les paroles des témoins du vulgaire en latin. Le schéma du récit des témoignages est presque toujours le même. Au premier témoin de chaque miracle, après le serment, on demande, toujours avec la même formule, s’il a entendu parler des miracles accomplis par le béat Philippe archevêque de Bourges (« iuratus [ou « iurata »] et requisitus [ou « requisita »] si aliquid scit de miraculis Philippi… »). Suit le récit du miracle et l’interrogatoire final de l’inquisiteur, qui reste inchangé pour chaque témoin, accompagné de questions sur la période pendant laquelle s’est produit le miracle, sur les termes utilisés par le miraculé ou par ceux qui l’assistaient pour faire l’invocation au saint, sur les témoins présents et sur la durée de la guérison (ou sur d’éventuelles récidives de la maladie). Dans ce dernier cas les commissaires vérifient qu’il s’agit d’une guérison définitive et non d’une amélioration momentanée.

D’après la lecture des miracles on voit que la maladie, dont étaient affligés les personnages, n’est jamais décrite à travers un langage technique, mais que le rédacteur se limite à une brève description des symptômes dont souffre le patient. Donner le nom exact de la maladie ne l’intéresse pas et il n’y a aucun témoignage où l’on reporte des données techniques concernant l’étiologie en termes de dyscrasie humorale. Tout ceci montre une grande différence avec le Liber sur les miracles de Guillaume et apporte une confirmation supplémentaire de l’intérêt de l’auteur de ce dernier texte pour le domaine médical.

Dans le texte du procès, les références aux médecins sont peu nombreuses et toujours génériques : ils ne sont jamais appelés à témoigner, et les autres témoins se limitent à souligner que ceux-ci n’ont rien pu faire pour la guérison du malade ou que leur intervention s’est soldée uniquement par une perte d’argent : « habuit in cavilla pedis sinistrum qui nominatur cancer et con/suluit multos medicos… et … expendit quindecim/ in medicis et nihil sibi profuit nec potuit curari »[88]. Dans un cas particulier, le témoin, en se vouant à Philippe, déclare immédiatement ne vouloir aucun médecin à l’exception de ce saint : « de cetero nolo habere medicum »[89]. Le diagnostic est effectué normalement par la famille et les voisins du malade, qui se chargent souvent de suivre l’évolution de la maladie, en cherchant les symptômes d’une éventuelle amélioration. Il y a plusieurs exemples de ce genre, qui montrent comment à cette époque (mais c’est valable pour tout le Moyen Âge) la maladie d’un particulier était un événement d’intérêt social concernant toute la collectivité.

Une telle situation de gestion familiale de la maladie tend à montrer que le recours au médecin était une chose peu commune, contrairement à ce qui apparaît dans le Liber de Guillaume, où l’auteur insiste sur la présence presque constante – mais inutile – de cette figure, associée à l’utilisation de thérapies profanes. Il est clair qu’il s’agit de données conditionnées par les topoi du genre hagiographique et par conséquent difficiles à vérifier pour évaluer les comportements réels, qui ne peuvent que varier en termes diachroniques, territoriaux (dans les villes le recours au médecin était plus facile que dans les campagnes) et du status de l’individu. On peut penser toutefois que, pour de nombreuses maladies on avait mis en pratique une auto-thérapie ou du moins on recourait à des formes thérapeutiques inhérentes à un savoir « populaire » largement partagé. Il s’agit de thèmes qui mériteraient des approfondissements ultérieurs et pour lesquels des éléments intéressants dérivent certainement de la confrontation entre les textes hagiographiques et les traités médicaux[90].

En ce qui concerne les modalités de guérison des malades dans les récits des miracles du procès de Philippe, il faut dire qu’elles ne se différencient pas de celles utilisées par les autres saints dans les textes hagiographiques de la même époque. La guérison du patient, due au mérite du saint, se produit presque toujours devant sa tombe, généralement par degrés ; parfois elle débute chez le patient, immédiatement après l’invocation ou pendant le trajet. Au cours de l’invocation au saint, le patient promet simplement de se rendre à la tombe, dans quelques cas « nudi pedibus », ou « nudi pedibus sine camisia »[91] en signe de grande pénitence. Les témoignages d’ex-voto ne manquent pas, comme le cierge de la même longueur du patient, ou quelques objets de cire reproduisant la forme anatomique de la partie guérie, comme la « genam unam cere cum dentibus » construite par un patient guéri d’une terrible douleur aux dents[92] ou le « vultum cereum ad valorem dodecem denarii »[93].

Une certaine originalité du procès de Philippe consiste dans le grand nombre de références à d’autres saints, ou à des sanctuaires précis, auxquels les patients se seraient adressés inutilement avant de se vouer à Philippe et recevoir de lui la guérison. Une jeune fille « alienata a sensu et contracta » est amenée inutilement « ad beatum Stephanum … et ad sanctum Veranum »[94]. Dans certains cas c’est la Vierge de Bourges qui est invoquée inutilement ainsi que saint Guillaume. Saint Étienne, qui d’après le témoin, avait été envoyé sur l’ordre de l’archevêque (« per preces dicti Philippi »), apparaît la nuit à un moine cistercien, tombé par terre et fiévreux, pour le ramener au lit et le guérir ensuite[95].

Justement à propos de l’invocation des saints les plus anciens de la part des fidèles dans les procès de canonisation, André Vauchez écrit : « la façon dont les témoins parlent des nouveaux saints dans les procès de canonisation permet de suivre, entre le début du XIIIe et le milieu du XIVe siècle, une évolution intéressante. Il semble bien que, dans un premier temps, les nouveaux intercesseurs aient eu du mal à s’affirmer ». D’après le chercheur, les vieux saints, considérés plus rassurants, auraient côtoyé les nouveaux pendant un certain temps. Leur abandon était vu « avec un peu d’inquiétude, comme s’ils [les fidèles] commettaient ce faisant une sorte de sacrilège »[96]. Je crois qu’ont joué aussi un rôle important non seulement la confiance dans les saints les plus anciens, mais aussi la solide affirmation des cultes dans certains sanctuaires, dispersés autour des localités où se déroulent les procès, et parfois leur spécialisation pour des maladies ou des troubles particuliers. Par exemple dans le cas des miracles de Philippe, quand le témoin raconte qu’il s’est voué à la Vierge Marie, il ne le fait pas d’une façon neutre, mais il spécifie qu’il s’agit de la Vierge de Bourges ou de celle de Chartres. Il était évident que la mère de Dieu était unique, mais étant donné la compétition entre les sanctuaires, dans quelques cas, comme il résulte des textes hagiographiques, on tendait à privilégier la Vierge d’un sanctuaire par rapport à un autre, comme s’il s’agissait de différentes entités. À titre d’exemple, nous rappelons que dans le recueil des miracula du XIIe siècle de Notre-Dame de Coutances, on lit qu’un habitant de la ville de Bayeux – ville dont la cathédrale est dédiée à la Vierge – fut frappé par une grave maladie seulement parce qu’il avait refusé de suivre ses concitoyens dans une procession vers Coutances, affirmant qu’il n’y avait pas de différence entre la Vierge de Coutances et celle de Bayeux vu que la mère de Dieu est unique[97]. En particulier, le Nord de la France du XIIe au XIIIe siècle a vu se développer de nombreux sanctuaires marials, parmi lesquels celui de Chartres, dont nous est parvenu un recueil de miracula rédigé au XIIIe siècle, puis vulgarisé et enrichi par Jean le Marchant de 1252 à 1262[98].

Un miracle d’accouchement

Dans le procès de canonisation de Philippe, celles qui s’en remettent expressément à la Vierge de Chartres sont les mulieres assistant à l’accouchement d’Adelina, qui ne réussit pas à expulser l’enfant désormais mort. Ce sera le prêtre, appelé à entendre la confession d’Adelina, qui suggèrera de se vouer à Philippe. Sans aucun doute, la demande de secours à la Vierge dans un cas d’accouchement était particulièrement adéquate, car la tradition voulait qu’elle fût l’unique femme à enfanter facilement et sans douleur. En outre, il y a de nombreux carmina pour les parturientes – carmina que l’on peut lire dans de nombreux textes, y compris les ouvrages médicaux – où l’on rappelle l’accouchement de la Vierge, souvent en relation avec ceux d’Anne et d’Élisabeth[99].

Le miracle concernant l’accouchement d’Adelina doit être pris en considération vu qu’il se présente d’une manière assez originale.

Nous lisons à propos de son témoignage direct :

Adelina […] dixit/ quod cum ipsa laboraret in partu et exivisse partus usque ad capud quedam/ mulieres que erant ibi temptaverunt extrahere eum et non potuerunt et puer/ erat mortuus nec erat ad terminum deficiente tempore unius mensis nec plus/ potuit sustinere pre dolore ut plus temptarent extrahere unde petebat/ut ferro incideretur… [100]

Par conséquent, la pauvre femme, qui a dans l’utérus un enfant mort de huit mois[101] et se présentant par le siège, supplie pour le faire sortir une incision par le fer. On peut penser qu’elle invoque l’usage du fer pour une embryotomie du fœtus, c’est-à-dire son découpage dans le ventre maternel dans le cas d’un accouchement où l’on désespérait de sauver la femme. Il s’agit d’une pratique bien connue dans le monde antique et déjà présente dans les textes de médecine grecque. Elle apparaît dans les traités médicaux occidentaux en particulier après les traductions des textes arabes, comme celui d’Albucasis[102].

Un deuxième témoignage, concernant le même miracle, complique ultérieurement la compréhension du récit : « Adelina petebat/ a marito suo quod apperiretur ferro propter dolorem »[103]. Ici aussi l’emploi du passif éloigne l’idée de la demande d’embryotomie du fœtus.

Il est intéressant encore une fois de faire la comparaison avec un miracle des saints de Savigny, qu’il vaut la peine de considérer entièrement :

Johanna… pregnans erat et collideban/tur gemini in utero ejus. Cumque advenisset tempus pariendi peperit filiam./ Alterum nequaquam sed remansit gravida magis quam ante et laboravit/ postea per novem dies. Venerunt vicine mulieres et matrone/…. et aliae multe nescientes consilium timentes ne fetus/ mortuus esset in ventre mulieris. Tandem in hoc consenserunt quod/ scinderetur mulier et extraheretur infans mortuus sive vivus… Voverunt dictam mulierem sanctis Savigniacensibus. Quid plura? Mulier absque/ mora sine incisione vel laesione corporis sui peperit alteram filiam […] magnum est hoc et ard/um et contra solitum cursum nature. Quae enim una hora ut dicunt physici/ conceperat geminos, secundum cursum nature una hora debuisset ambos peperisse sicut in Jacob et Esau.[104]

Le rédacteur du texte a trouvé utile de créer un parallèle avec la naissance des gémeaux de la Bible : eux aussi étaient déjà en collision dans le ventre maternel et naquirent l’un après l’autre, au point que le second tenait le talon du premier. La partie la plus intéressante du texte concerne la référence à l’incision que les obstétriciennes allaient effectuer. S’agissait-il d’une incision dans le ventre maternel ? Devons-nous croire que réellement on pratiquait à ce moment-là, même in extremis, des actes de ce genre ? Nous savons qu’à partir du XIIe siècle, dans de nombreuses sources ecclésiastiques, on commença à considérer l’intervention de sectio in mortua, c’est-à-dire ouvrir le ventre de la mère morte pour extraire l’enfant vivant[105]. Il s’agit d’une pratique que l’on peut bien expliquer en croisant des sources de différent genre, religieuses, médicales, mais aussi littéraires, mythologiques et juridiques, et qui apparaît déjà dans le Digeste du Corpus iuris civilis, compilation de textes juridiques commandée par l’empereur Justinien au VIe siècle[106]. Les implications religieuses ont certainement pesé sur cette pratique, en relation avec le problème de devoir baptiser les fœtus, et à ce propos nous reportons ici comme exemple la citation de l’évêque de Paris, Eudes de Sully (1196-1208), qui écrit dans les Synodicae Constitutiones : « Mortuae in partu scindantur, si enfans credatur vivere; tamen si bene constiterit de morte earum »[107]. Plus tard Guillaume Durand (1237-1296), dans son Rationale Divinorum Officiorum, œuvre influente de compilation des rites liturgiques de l’Église, écrit : « si infans non potest totus nasci sed solum caput, illud baptizetur priusquam moriatur. Sed si mater in partu moritur, incidatur, et infans vivus de ventre extrahatur et baptizetur »[108]. Je voudrais attirer l’attention sur les verbes utilisés par Eudes et Durand (semblables à ceux employés dans de nombreux autres textes ecclésiastiques), c’est-à-dire « scindere » et « incidere », les mêmes qui apparaissent dans le récit des deux miracles. Je dirais que surtout le miracle des saints de Savigny ne laisse aucun doute sur le fait que c’est la femme qui devait être incisée. Comme on le sait, dans les textes médicaux, l’accouchement par césarienne sur la femme en vie sera préconisé seulement au début des Temps Modernes et sera pratiqué avec des résultats désastreux jusqu’à la fin de cette période[109]. Nous pouvons alors croire que dans les textes hagiographiques en question, il y a une exagération des rédacteurs pour rendre le miracle plus captivant et dramatique, tandis que le choix lexical ferait penser à une possible référence culturelle à la sectio, même s’il s’agit d’une situation complètement différente. Il reste de toute façon un doute pour l’interprétation.

Nombreux sont les aspects originaux du procès de canonisation de Philippe concernant les maladies de guérison, d’autant plus qu’il s’agit d’une source encore inédite. Comme nous le disions plus haut, cette étude a le caractère d’un work in progress ; ces aspects seront approfondis et réélaborés pour faire l’objet d’un prochain article.

Notes

[1] Il s’agit surtout de fistule ou plus généralement de gangrène avec présence d’orifices dans la chair. Il faut toujours prendre en compte le fait que les critères épistémologiques étaient autrefois différents de ceux d’aujourd’hui et qu’il n’y avait pas la même distinction entre symptômes cliniques et maladie véritable. L’expression Sancti Eligii se retrouve surtout dans des sources de provenance française. Pour une étude sur la naissance de l’expression, liée au développement du culte thaumaturge du saint au XIIIe siècle (bien que Gilles eût vécu au VIIe siècle), voir Alessandra Foscati, « Malattia, medicina e tecniche di guarigione : il Liber de miraculis sanctorum Savigniacensium », Reti Medievali Rivista, t. 14.2, 2013, p. 76-81. http://www.rmoa.unina.it/2143/

[2] Henri de Mondeville, Chirurgia, II, II, 3, éd. par J. L. Pagel, Die Chirurgie des Heinrich von Mondeville, Berlin, August Hirschwald, 1892, p. 320.

[3] Sur la thaumaturgie et l’éponymie des saints concernant la maladie indiquée aussi comme ignis sacer, en territoire français : Alessandra Foscati, Ignis sacer. Una storia culturale del “fuoco sacro” dall’antichità al Settecento, Firenze, SISMEL, Edizioni del Galluzzo, 2013, passim.

[4] En particulier sur le rapport entre médecine profane et curie papale, voir Agostino Paravicini Bagliani, Medicina e scienza della natura alla corte dei papi nel Duecento, Spoleto, CISAM, 1991.

[5] Sur le procès de Philippe voir Roberto Paciocco, « Processi e canonizzazioni nel Duecento. Documenti e riflessioni a proposito di Filippo di Bourges », Archivum Historiae Pontificiae, t. 40, 2002, p. 85-174.

[6] « Sancti Gulielmi archiepiscopi Bituricensis. Vita, miracula post mortem et canonizatio ex codice musei bollandiani nunc primum integre edita », Analecta Bollandiana, t. 3, 1884, p. 271-361.

[7] La bibliographie sur les procès de canonisation est très vaste. Reste indispensable le volume d’André Vauchez, La sainteté en Occident aux derniers siècles du Moyen Âge, Rome, École française de Rome, 1981.

[8] Id., « Les origines et le développement du procès de canonisation (XIIe-XIIIe siècles) », dans Vita religiosa in Mittelalter. Festschrift für Kaspar Elm zum 70, éd. par F. J. Felten, N. Jaspert, Berlin, Ducker & Humblot, 1999, p. 852.

[9] ff. 1-15.

[10] Je remercie Robert Godding pour avoir mis à ma disposition la copie du manuscrit et avoir répondu à mes questions avec gentillesse et diligence.

[11] Sancti Gulielmi archiepiscopi Bituricensis…, op. cit., p. 273.

[12] ff. 1-30.

[13] ff. 5-18v.

[14] ff. 24v-49r.

[15] http://bhlms.fltr.ucl.ac.be/Nquerysaintsection.cfm?code_bhl=8901&RequestTimeout=500

[16] Anne Bondéelle-Souchier, « Un manuscrit méconnu de la vie de Guillaume de Bourges, abbé cistercien, puis archevêque de Bourges (†1209) », dans L’ordre cistercien et le Berry. Conseil général du Cher, Bourges, 15-16 Mai 1998. Actes du colloque organisé par les Archives départementales du Cher, textes réunis et publiés par Pierre-Gilles Girault, C.A.H.B, 136, 1998, p. 90, note 4.

[17] P1, f. 5v.

[18] Incipit du miracle : « Erat quidem pater familias Hugo nomine… » (Sancti Gulielmi archiepiscopi Bituricensis…, op. cit, p. 341).

[19] Le folio reste manquant ainsi que le dernier folio du manuscrit. Il s’agit des folios extérieurs du dernier quaternion.

[20] Anne Bondéelle-Souchier, Un manuscrit méconnu…, op. cit., p. 92.

[21] B, f. 10ra. Variante non signalée par le curateur d’Analecta Bollandiana (Sancti Gulielmi archiepiscopi Bituricensis…, op. cit., p. 327)

[22] B, f. 13ra. Variante signalée par le curateur d’Analecta Bollandiana (Sancti Gulielmi archiepiscopi Bituricensis…, op. cit., p. 348).

[23] Pour les informations sur la vie de Guillaume voir Stephan Steffen, « Der Heilige Wilhelm Erzbischof von Bourges » Cistercenser Chronik, t. 19, 1907, p. 71-82.

[24] Anne Bondéelle-Souchier, Un manuscrit méconnu…, op. cit, p. 93. La chercheuse remet en question, avec des arguments valables, la tradition selon laquelle un certain abbé de Chaalis, nommé Pierre, aurait écrit la Vita.

[25] Mir. n. 55 dans Analecta Bollandiana (Sancti Gulielmi archiepiscopi Bituricensis…, op. cit, p. 331).

[26] Edmundus fut canonisé en 1247 par Innocent IV et l’enquête in partibus se déroula en 1244-1245. Nous pouvons penser que les récits de miracles d’Albert d’Armagh sont liés à cette enquête. Ceux-ci, lisibles dans ms. Auxerre, Bibliothèque Municipale, 123, ff. 104 rb-112vb, sont transcrits par Edmond Martène et Ursin Durand dans Thesaurus Novus Anecdotorum, III, Paris, 1717, coll.1881-1890. On lit les miracles plus tardifs, bien plus nombreux, dans le ms. Auxerre, Bibliothèque Municipale, 123, ff. 113r-154v. Pour un aperçu sur les miracles d’Edmundus, voir Louise Elizabeth Wilson, « Miracle and Medicine: Conceptions of Medical Knowledge and Practice in Thirteenth-Century Miracle Accounts », dans Wounds in the Middle Ages, éd. par A. Kirkham et C. Warr, Farnham, Ashgate, 2014, p. 63-86.

[27] Le texte en italique est le mien. Le récit se réfère à un malade affecté de fistula.

[28] Le récit se réfère à un malade de squinancia.

[29] Le récit se réfère à une grave maladie à un bras.

[30] Le récit se réfère à la maladie de la squinancia dont nous reparlerons.

[31] La référence concerne la maladie  noli me tangere  dont nous dirons un mot.

[32] Tiberius Claudius Donatus, Ad Tiberium Claudium Maximum Donatianum filium suum. Interpretationes Virgilianae, éd. par H. Georgii, Lipsiae, in aedibus B. G. Teubneri, 1905, I, p. 369. Nous trouvons par exemple l’expression dans une lettre envoyée par Innocent III à l’archevêque de Trèves et à ses suffragants (Regestum Innocentii III papae super negotio Romani Imperii, éd. par F. Kempf, dans Miscellanea Historiae Pontificiae, XII, Roma, Typis pontificiae universitatis gregorianae, 1947, p. 156).

[33] Sur le rituel de la mensura, voir Sari Katajala-Peltomaa, « Constructing Relationship with the Sacred : Measuring Rituals as Form of Communication », dans Agiografia e culture popolari/Hagiography and Popular Cultures, éd. par P. Golinelli, Bologna, CLUEB, 2012, p. 313-327.

[34] P, f. 22ra.

[35] Ibid.

[36] Ibid.

[37] Sur la signification de la maladie en général dans la période médiévale, fondamentale est l’étude de Jole Agrimi et Chiara Crisciani, Medicina del corpo e medicina dell’anima. Note sul sapere del medico fino all’inizio del secolo XIII, Milano, Episteme, 1978. La maladie peut être comprise comme punition divine, mais aussi comme moyen de préserver les peines de l’au-delà dans le cadre d’une pédagogie de la souffrance. Pour différents exemples sur la façon de comprendre la maladie, voir aussi Alessandra Foscati, Ignis sacer…, op. cit., passim.

[38] Sources discutées dans ibid., p. 20-26.

[39] Sur cet épisode, ibid., p. 26-30.

[40] P, f. 22ra-b.

[41] P, f. 22va.

[42] Nous en trouvons un exemple intéressant dans le recueil de miracles du XIIe s. de Hugo Farsitus, où un malade avec un pied en gangrène est emmené du sanctuaire marial de Soissons à cause de la puanteur qu’il dégage (Libellus de miraculis B. Mariae Virginis in urbe suessionensi, PL, t. 179, col. 1799B). Le récit sera repris et vulgarisé par Gautier De Coinci, qui dira aux gardiens du sanctuaire en indiquant le malade : « Boutez la hors cel espieté » (Les miracles de Nostre Dame, mir. II, 25, v. 86, éd. par V. F. Koening, Genève, Droz, 1966-70, IV, p. 247).

[43] La tradition, en passant des sources orientales aux occidentales, s’enrichit de détails de plus en plus horrifiants. Voir Alice Leroy-Molinghe, « La mort d’Arius », Byzantion, t. 38, 1968, p. 105-111. Cette mort avec ouverture du ventre et dispersion des viscères reprend celle de Giuda dans Actes, I, 18.

[44] Voir l’article d’Adeline Rucquoi (« Peregrinus : L’hospitalité spécialisée sur le chemin de Saint-Jacques (850-1150) », dans Voyages et voyageurs. Communication présentée au colloque organisé dans le cadre du congrès annuel du Comité des travaux historiques et scientifiques, la Rochelle 2005, p. 1-19) sur les lieux consacrés aux pèlerins et construits le long de l’itinéraire vers Saint-Jacques, en Galicie. La plupart d’entre eux sont désignés par les sources textuelles comme « hospitalis domus peregrinorum » ; « domus elemosinaria ad pauperes Christi hospitandos » ; « domus albergaria ».

[45] Luigi Canetti, « L’incubazione cristiana tra Antichità e Medioevo », Rivista di Storia del Cristianesimo, t. 7, 2010, p. 149-180.

[46] P, 22vb.

[47] Ibid.

[48] Par exemple déjà au XIe s. André de Fleury écrit que saint Benoît serait apparu à trois enfants et aurait touché leurs plaies en faisant sortir tout le mal : « per extremos pedum articulos » (Miracula sancti Benedicti, IV, éd par E. de Certain, Les miracles de saint Benoit, Paris, Jules Renouard, 1858, p. 177).

[49] Guibert de Nogent, De vita sua sive monodiarum, III, PL, t. 156, col. 959D.

[50] André Vauchez, La sainteté en Occident…, op. cit., p. 565.

[51] P, 22vb-23ra.

[52] IV, tit. I, De miraculis, quaest. VIII, 12-13, Rome, Facciotti, 1628, II, pp. 79-80. Voir Gianna Pomata, « Malpighi and the Holy Body : Medical Experts and Miraculous Evidence in Seventeenth-Century Italy », Renaissance Studies, t. 21. 4, 2007, p. 575-577.

[53] Il faut dire que même les différentes thérapies profanes tendaient à provoquer artificiellement l’évacuation d’humeurs, que le corps ne réussissait pas à éliminer spontanément. Le but des thérapies d’exsudation et de l’emploi d’émétiques était celui d’attirer les impuretés vers la superficie du corps de façon à permettre leur expulsion. De la même manière, les substances vésicantes, les cautères, les scarifications servaient à irriter la peau afin d’obtenir une production continue de pus. Celui-ci était interprété comme pourriture intérieure, attirée vers l’extérieur et enfin éliminée.

[54] P, 25vb.

[55] De nos jours nous la relions au motif iconographique spécifique.

[56] Bruno da Longobucco, Chirurgia magna, dans Ars chirurgica Guidonis Cauliaci […], Venetiis, apud Iuntas, 1546, f. 114rb.

[57] Teodorico de Borgognoni (Chirurgia, III,VI, dans Ars chirurgica…, op. cit., f. 159vb) écrit : « et in summa noli me tangere est quoddam apostema, quod fit a mento superius et dicitur noli me tangere, quia est nimis de contagiosis morbis : vel dicitur noli me tangere, quia si tangatur, magis fluunt humores ad ipsum: et sic augmentatur morbus ».

[58] Par exemple dans le procès de canonisation (1363) de Dauphine de Puimichel : « … filia faciem corrosam habebat ex morbo qui Noli me tangere vulgariter appellatur… » (Enquête pour le procès de canonisation de Dauphine de Puimichel, comtesse d’Ariano, éd. par J. Cambell, Turin, Bottega d’Erasmo, 1978, p. 66).

[59] « De Vilains ou des XXII (sic) manieries (sic) de vilains », éd. par E. Faral, vv, 23-25, Romania, t. 48, 1975, p. 259.

[60] De Beato Pietro de Luxemburgo, AA. SS., iul., I, 598C. La déposition de Jean de Tournemire a été traduite en français par Ernest Wickersheimer, « Les guérisons miraculeuses du cardinal Pierre de Luxemburg (1387-1390) », dans les Comptes-rendus du deuxième Congrès international d’histoire de la médecine, Paris 1922, p. 372-381.

[61] Ambroise Paré, Les Œuvres, Paris, chez Gabriel Buon, 1575, p. 275.

[62] P, 26ra.

[63] Grégoire le Grand, Regulae pastoralis liber, éd. et trad. française par F. Rommel, B. Judic et C. Morel, Règle Pastorale, Sources Chrétiennes, t. 381, Paris, Édition du Cerf, 1992.

[64] P, 26rb.

[65] P, 27rb.

[66] Michael McVaugh, Surface Meanings : the Identifications of Apostemes in Medieval Surgery, dans Medical Latin from tre Late Middle Ages to the Eighteenth Century, éd. par W. Bracke, H. Deumens, Bruxelles 2000, p. 13.

[67] Par exemple dans l’aphorisme VI, 37 (Aphorismi, éd. Littré, IV, p. 572).

[68] Etym., IV, VI, 6.

[69] P, 27rb.

[70] P, 27rb-27va.

[71] Anne-Marie Bautier, « Typologie des ex-voto mentionnés dans des textes antérieurs à 1200 », dans La piété populaire au Moyen Âge. Actes du 99 Congrès National des Sociétés Savantes, Besançon, 1974, Paris, Bibliothèque Nationale, 1977, 237-282 ; Pierre-André Sigal, « L’ex voto au Moyen Âge dans les regions du nord-ouest de la Mediterranée (XIIe-XVe siècles) », Provence Historique, t. 33, 131, 1983, p. 13-31. Catherine Vincent, Fiat Lux. Lumière et luminaires dans la vie religieuse du XIIIe au XVIe siècle, Paris, Les éditions du Cerf, 2004.

[72] Glossarium mediae et infimae latinitatis, Niort, L. Favre, 1883-1887, t. 2. http://ducange.enc.sorbonne.fr/CERALE

[73] Anne-Marie Bautier, Typologie des ex-voto…, op. cit., p. 241.

[74] Objets de dévotion propitiatoire et ex-voto gratulatoires (ibid., p. 239).

[75] B, f. 12rb. Dans ce cas, on a considéré le ms. di Bruxelles parce que le miracle fait partie de ceux qui sont absents dans P à cause du folio perdu. En P1 et T nous trouvons dans ce cas le lemme cereale.

[76] L’abbaye normande de Savigny-le-Vieux fuit incorporée à l’ordre de Cîteaux en 1147. Le Liber est partiellement transcrit dans le volume XXIII du Recueil des historiens des Gaules et de France à partir de l’unique manuscrit qui donne le texte, Paris, BnF, nal. 217, du XIIIe siècle. Voir Alessandra Foscati, Malattia, medicina e tecniche di guarigione…, op. cit.

[77] Paris, BnF, nal. 217, f. 43.

[78] « liquefacta est inflatio et mulier evomens putredinem » (ibid.).

[79] Ibid., f. 41.

[80] Ibid., f. 49.

[81] Sur les vertus apotropaïques et thérapeutiques du cierge de la Chandeleur, voir Catherine Vincent, Fiat Lux…, op. cit., p. 460-468.

[82] Rogerii medici celeberrimi chirurgia, dans S. De Renzi, Collectio Salernitana, II, Naples, Sebezio, 1853, p. 465. De Renzi considère le traité comme une œuvre de Ruggero Frugardi, en réalité il s’agit de la réélaboration de Rolando da Parma. Sur cette question, voir Michael McVaugh, « Is There a Salernital Surgical Traditions ? », dans La Collectio Salernitana di Salvatore de Renzi, éd par D. Jacquart, A. Paravicini Bagliani, Firenze, SISMEL, Edizione del Galluzzo, 2008, p. 61-77.

[83] André Vauchez, La sainteté en Occident…, op. cit, p. 337-341 et passim. Soulignons également l’importance de l’étude de Roberto Paciocco, Processi e canonizzazioni nel Duecento…, op. cit.

[84] AA. SS., ian., I, 565.

[85] Roberto Paciocco, Processi e canonizzazioni nel Duecento…, op. cit., p. 120-121.

[86] Michael Goodich, « The Judicial Foundations of Hagiography in the Central Middle Ages », dans “Scribere sanctorum gesta”, Recueil d’études d’hagiographie mediévale offert à Guy Philippart, éd. par É. Renard, Turnhout, Brepols, 2005, p. 635-638; Id., « Microhistory and the Inquisitiones into the Life and Miracle of Philip of Bourges and Thomas of Hereford », dans Medieval Narrative Sources : a Gateway into the Medieval Mind, éd. par W. Werbeke, L. Milis, J. Goossens, Leuven, Leuven University Press, 2005, p. 91-106.

[87] Roberto Paciocco, Processi e canonizzazioni nel Duecento…, op. cit., p. 149-150.

[88] lat. 4019, f. 91v

[89] Ibid., f. 86r.

[90] Quelques idées sur ce thème dans Alessandra Foscati, « Healing with the Body of Christ : Religion, Medicine and Magic », dans Il « Corpus Domini ». Teologia, Antropologia e Politica, éd. par L. Andreani, A. Paravicini Bagliani, Firenze, SISMEL, Edizioni del Galluzzo, 2015, p. 209-226.

[91] lat. 4019, f.

[92] Ibid., f. 84v.

[93] Ibid., f. 79v.

[94] Ibid., f. 62v.

[95] Ibid., f. 83r-v.

[96] André Vauchez, La sainteté en Occident…, op. cit., p. 152.

[97] Alessandra Foscati, « La Vergine degli ‘Ardenti’. Aspetti di un culto taumaturgico nelle fonti mariane tra XII e XIII secolo », Hagiographica, t. 18, 2011, p. 279-280.

[98] Ibid., p. 268-269.

[99] Voir par exemple Elizabeth L’Estrange, « Quant femme enfante… : remèdes pour l’accouchement au Moyen Âge », dans Femmes en fleurs, femmes en corps. Sang, santé, sexualités, du Moyen Âge aux Lumières, éd. par C. McClive, N. Pellegrin, Saint Étienne, Publication de l’Université de Saint Étienne, 2010, p. 167-181.

[100] lat. 4019, f. 55v.

[101] On considérait comme nulles les probabilités de survivance de l’enfant, au cas où il serait sorti de l’utérus au huitième mois, suite à une théorie médico-astrologique basée sur l’influence des planètes pour chaque mois de gestation. L’enfant avait d’excellentes probabilités de naître vivant non seulement au neuvième mois, mais aussi au septième ou au dixième, mais non au huitième car dominaient les flux néfastes de Saturne. Sur les origines médicales et philosophiques de la théorie, voir Charles S. F.Burnett, « The Planets and the Development of the Embryo », dans The Human Embryo. Aristotle and the Arabic and European Traditions, éd. par G.R. Dunstan, Exeter, University of Exeter Press, 1990, p. 95-112.

[102] Voir Monica H. Green, Making Women’s Medicine Masculine. The Rise of Male Authority in Pre-Modern Gynaecology, Oxford, O.U.P., 2008, p. 102.

[103] lat. 4019, f. 56v.

[104] Paris, BnF, nal 217, f. 36-37.

[105] La bibliographie sur ce sujet est vaste. Pour une mise à jour et pour les références bibliographiques, voir Alessandra Foscati, « Venire alla luce e rinascere. Il cesareo da madre morta e il miracolo à répit nel tardo Medioevo », dans Nascere. Il parto dalla tarda antichità all’Età moderna, éd. par A. Foscati, C. Dopfel, A. Parmeggiani, Bologna, Il Mulino, en cours d’édition.

[106] Voir Danielle Gourevitch, « Chirurgie obstétricale dans le monde romain : césarienne et embryotomie », dans Naissance et petite enfance dans l’Antiquité, éd. par V. Dasen, Fribourg, Vandenhoeck et Ruprecht, 2004, p. 240-245.

[107] Mansi, XXII, col. 681.

[108] Rationale divinorum officiorum, VI, 83, 33, éd. par A. Davril e T.M. Thibodeau, CCCM, 140A, Turnholt, Brepols 1998, p. 425.

[109] Nadia Maria Filippini, La nascita straordinaria. Tra madre e figlio la rivoluzione del taglio cesareo (sec. XVIII-XIX), Milano, Franco Angeli, 1995.

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